Les benzodiazépines : un traitement risqué ?
Le traitement par les benzodiazépines est indispensable pour de nombreuses personnes mais comme tout médicament, il présente des effets secondaires.
Des effets secondaires reconnus
L’ensemble des risques généraux liés à l’usage des benzodiazépines est bien connu et figure dans le Résumé des Caractéristiques du Produit (AMM) de chacune d’elle1. Ainsi, leur usage peut entraîner :
- Une amnésie antérograde (perte de la mémoire des faits récents) qui augmente proportionnellement avec la dose.
- Une altération des fonctions psychomotrices pouvant survenir dans les heures suivant la prise.
- Un syndrome associant, à des degrés divers, des troubles du comportement et une altération de l’état de conscience. Peuvent être ainsi observés les effets suivants : aggravation de l’insomnie, cauchemars, agitation, nervosité, idées délirantes, hallucinations, état confuso-onirique, symptômes de type psychotique, désinhibition avec impulsivité, euphorie, irritabilité, amnésie antérograde et suggestibilité.
- Une tolérance caractérisée par une diminution progressive de l’effet thérapeutique pour une même dose administrée pendant plusieurs semaines. La tolérance peut conduire à une augmentation des doses pour obtenir l’effet recherché.
Ces effets secondaires ne sont pas fréquents et s’estompent rapidement après la prise. En réalité, le principal problème des benzodiazépines est la très forte dépendance qu’elles induisent, aussi bien sur le plan psychique que physique.
Une dépendance psychologique et physique fortes
Au début, la dépendance n’est que psychologique, mais peu à peu, la tolérance s’installe, nécessitant une augmentation de la dose pour obtenir l’effet initial. « Quand on prend des benzodiazépines pendant plus d’un mois, on a des signes de dépendance physique qui se manifestent notamment par les “effets rebonds”, c’est-à-dire qu’au moment où on arrête, pendant quelques temps, on va plus mal qu’avant. » explique le Docteur Mallaret, praticien hospitalier. Les symptômes qui apparaissent alors sont des manifestations du sevrage. Ils peuvent être extrêmement différents en fonction des individus, de la durée de consommation et du produit ingéré :
- Anxiété
- Tremblements et agitation
- Convulsions et attaques d'apoplexie
- Paranoïa, hallucinations et délire
Ces symptômes ne sont pas anodins et il est indispensable d’être sous surveillance médicale en cas d’arrêt du traitement.
Celui-ci doit être progressif : les doses absorbées doivent être diminuées petit à petit pour éviter des effets secondaires sévères, et une éventuelle rechute.
C’est ce risque de dépendance qui est à l’origine des durées de prescription, fixées à 12 semaines. Malheureusement, celles-ci ne sont que trop peu respectées…
L’ANSM révèle que le temps de traitement médian est de 7 mois pour une benzodiazépine anxiolytique et hypnotique.
Toujours selon elle, environ la moitié des sujets traités par ces médicaments le sont plus de 2 ans (avec ou sans interruption de traitement).
Cette dépendance s’accompagne également d’un surdosage : environ 18% des patients ont une posologie journalière estimée supérieure à celle recommandée par l’autorisation de mise sur le marché.
Une addiction que beaucoup vivent comme un enfer : « Au départ c’est un simple traitement de trois semaines, mais en fait, vous n’arrivez jamais à vous en débarrasser. J’ai mis dix ans pour m’en sortir… » Dit un témoin ,témoigne une ancienne consommatrice. Un cas extrême qui rappelle toutefois que les recommandations ne sont pas à prendre à la légère.
Malheureusement, il n’est pas jamais évident de savoir qu’on devient dépendant, car comme toute substance, ses effets sont différents sur chacun…
Les effets à long terme
Au-delà des inconvénients inhérents à la dépendance physique d’un produit, la consommation chronique des benzodiazépines pose des problèmes de santé publique.
Depuis quelques années, les études se multiplient pour démontrer les conséquences à long terme de ces psychotropes.
Avec plus ou moins de succès…
Si certaines manquent encore de poids pour convaincre la sphère scientifique, d’autres sont désormais communément admises.
Le point sur les différents liens qui existent entre les benzodiazépines et certains risques.
Les benzodiazépines augmentent-ils les accidents de la route ?
Une revue exhaustive de cette question a été faite dans le rapport d’A.Cadet pour l’Observatoire Français des Drogues et Toxicomanies (OFDT)2 et a contribué à l’établissement d’un classement des médicaments en fonction de leur dangerosité.
Afin d’informer les automobilistes, l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a notamment fait apposer sur les boîtes de médicaments trois pictogrammes.
Les benzodiazépines augmentent-ils le risque de chute chez les personnes âgées ?
Les études menées sur la prescription de benzodiazépines et le risque de chutes présentent des résultats contradictoires. Pierfitte, Macouillard et leurs collaborateurs ont cherché à déterminer l’existence d’un lien entre la prise de benzodiazépines et le risque de fracture de la hanche chez les personnes âgées3.
Les résultats ont montré que leur consommation n’était pas associée à une augmentation du risque de fracture.
En revanche, Leipzig et ses collaborateurs ont réalisé une méta-analyse4 qui montre que l’usage de benzodiazépines augmente le risque de chute de 1,5 fois. Difficile donc d’y voir un lien probant.
Les benzodiazépines augmentent-ils le risque de démence, et notamment la probabilité de contracter la maladie d’Alzheimer ?
L’Afssaps examine actuellement le lien entre ces molécules, et les formes de démence (dont la maladie d’Alzheimer fait partie) suggéré par plusieurs études, et notamment celle du professeur Bernard Bégaud qui a récemment fait l’effet d’une bombe5.
Nombreuses sont celles qui ont tenté d’évaluer ce risque d’altération de la fonction cognitive, mais seulement dix études publiées ont été retenues et les résultats ne sont pas concordants.
Six études concluent à une association, une étude retrouve un effet protecteur des benzodiazépines sur l’apparition d’une démence et quatre ne retrouvent pas d’association ou ne permettent pas de la mettre en évidence pour des raisons statistiques.
Ainsi, contrairement à des idées communément admises, le lien entre ces psychotropes et les effets à long terme présentés ci-dessus, n’est pas prouvé.
Ces absences de certitudes ne doivent néanmoins pas cautionner la consommation record des benzodiazépine en Occident…